Sous leTrône de Fer. Petites analyses littéraires

Sous leTrône de Fer. Petites analyses littéraires

La reine dans l'arène : oeil de glace et coeur de pierre

 

 

 

 A présent que nous avons vu la reine des Enfers, il est temps de considérer ses armes de championne et l'arène dans laquelle elle descend jouter contre sa challengeuse.   

  J'avais composé un très long paragraphe pour analyser le trône vide - celui sur lequel la "reine" Lysa ne siège pas et qui fait bien partie du décor - mais comme il est plus généralement lié au personnage de la méchante reine, je le développerai dans l'article spécifiquement consacré, pour ne pas davantage alourdir celui-ci. 

 

 Avec Lysa, notre princesse Sansa réalise le cauchemar de Cersei : elle  est "plus jeune, plus belle" et lui ravit "tout ce qui lui est le plus cher", à savoir l'amour de Littlefinger, l'attention de Robinetchéri (le garçon se trouvera même en Sansa/Alayne une nouvelle maman), et enfin le désir de Marillion que Lysa s'emploie à nier exactement comme elle nie celui de Petyr :  

 

 "(...) Tu te figures que tu peux t'offrir n'importe quel homme dont tu as envie, parce que tu es belle et jeune, hein ? Ne va pas te figurer que je n'ai pas vu les regards langoureux que tu jetais à Marillion... Je sais tout ce qui se passe aux Eyrié, ma petite dame. Et j'ai aussi rencontré ton espèce avant, figure-toi. Mais tu t'es trompée si tu te figures que tes grands yeux et les sourires de catin te gagneront Petyr. Il est à moi."

 

 Le pouvoir d'attraction de Sansa est cependant mortifère pour les bêtes qui la convoitent elle ou son château : le jeune Robert est terrassé et son doudou détruit, et Marillion subira une condamnation à mort; plus tôt déjà, le roi Joffrey (fils de la reine Cersei) était mort par un poison que Sansa portait dans sa coiffure, et ser Dontos avait aussi payé de sa vie sa participation à l'enlèvement de la princesse prisonnière. On retrouve par ailleurs avec cette allusion aux grands yeux séducteurs de Sansa la légende du Roi de la Nuit, le lord Commandant de la Garde de Nuit séduit par une femme cadavre aux yeux bleus comme des saphirs, qu'il avait ramenée avec lui à Fort Nox avant de soumettre la Garde à son joug. 

 

 

~~

 

 Les barrals mourants se dessèchent et se transforment progressivement en pierre, faute d'eau douce semble-t-il, et ce n'est donc pas un hasard si on retrouve cette Lysa barralisée dans la grande salle et non pas dans la loggia chauffée et avec vue sur la cascade (la seule vue depuis la grande salle, c'est sur le vide, quand on ouvre la Porte de la Lune, le troisième oeil, j'y reviendrai dans le 4e article) : Lysa offre alors un saisissant parallèle avec lady Coeurdepierre - sa soeur Catelyn revenue d'entre les morts - dont nous ferons justement la connaissance dans l'épilogue du tome 3 A Storm of Swords, le chapitre qui suit immédiatement celui que nous analysons ici, et dans lequel il y a d'ailleurs un Petyr pendu.

 Lady Coeurdepierre y sera la juge condamnant à mort un Frey pour avoir participé aux Noces Pourpres, au cours desquelles son fils aîné et héritier Robb Stark a été assassiné avec une partie de ses fidèles (dont P'tit Jon Omble, fils du géant Lard Jon, bras droit de Robb; leur blason représente un géant enchaîné). Lady Coeurdepierre ne prononcera pas un mot mais se contentera de regarder l'accusé :

 

Mais le plus terrible, c'était ses yeux. Ses yeux qui voyaient, ses yeux qui le voyaient, ses yeux qui le haïssaient.

(...) [Lim] se tourna vers la morte et demanda : "Votre avis, m'dame ? Il y a trempé ?"

Lady Catelyn ne le lâchait pas des yeux. Elle hocha simplement la tête.

(Epilogue, tome 3 A Storm of Swords) 

 

Et c'est ainsi qu'on pendit Merret Frey. 

 

"Je vous ai vue faire", dit lady Lysa.

 

 Juge, mais aussi oiseau-espion-geôlier. Lysa est une "watcher", terme employé dans la saga pour désigner les membres de la Garde de nuit, "to watch" signifiant autant garder qu'observer. Ce verbe est employé plusieurs fois dans le chapitre, à propos des serviteurs et de Littlefinger qui observent Sansa édifiant son Winterfell de neige; dans son chapitre précédent, Lothor Brune déclare que Littlefinger lui a demandé de "veiller" sur elle ("to watch", encore) et c'est ainsi qu'il la protège de l'agression de Marillion mais la surveille tout autant, une ambiguïté déjà présente avec Sandor Clegane et apanage des Nains dans le conte de Blanche-Neige. Enfin, "to watch" est bien employé pour Lysa, alors que Sansa s'avance vers elle. J'ai cité plus haut la version française, voici l'originale : 

 

She sat in the high seat watching her niece approach, her face red and puffy beneath the paint and powder.

 

 C'est ainsi que Sansa s'avance face à sa juge et rivale. 

 

 La grande bannière Arryn qui flotte derrière désigne clairement Lysa comme une championne entrant en lice et portant les couleurs qu'elle va défendre, en écho à Sansa qui revêt son "armure de courtoisie" (sic) pour se défendre et survivre. Cette "armure de courtoisie" est un véritable refrain dans tout l'arc narratif de Sansa, plus particulièrement encore durant son séjour à Port-Real, où elle apprend à s'en revêtir comme d'une seconde peau. Il n'est pas explicitement cité dans le chapitre, mais lorsque Lysa va apostropher Sansa arrivée au pied de l'estrade, celle-ci aura son geste caractéristique de "lissage de jupe" qui accompagne les moments où elle se donne une contenance avant d'entrer en lice, comme lorsqu'elle va plaider devant toute la cour pour la vie de son père, dans le tome 1 A Game of Thrones. Un moment où justement elle se répète que "la courtoisie est l'armure d'une dame". 

 D'autre part, le fait de choisir soigneusement les couleurs des vêtements renforce le parallèle entre Lysa et Cersei, mais si pour Lysa ce sont les couleurs Arryn, pour Cersei, c'est toujours ce qui rappelle le vert de ses yeux et la beauté de sa chevelure dorée : les vêtements sont liés à son physique et au désir de surpasser en beauté toutes les autres femmes, plus qu'à la représentation de sa maison (encore que la beauté et l'or sont censés être des caractéristiques des Lannister et qu'à ce titre on puisse voir Cersei comme une pure Lannister, de même que ses caractéristiques physiques identifient Daenerys comme une Targaryen). On la voit donc porter plus souvent du vert et des émeraudes que du rouge - la couleur de la bannière Lannister.

 

 Mais si Cersei met tant de soin à faire ressortir ses yeux, c'est en imitation de son père, afin de capter le regard de ses interlocuteurs et d'assurer ainsi sa domination. 

 

 Les yeux de Père, d’un vert pâle, presque translucide, et pailletés d’or, avaient toujours eu le pouvoir de vous désarçonner; ses yeux étaient capables de voir en vous, ils étaient capables de sonder tout ce qu’il y avait de faiblesse, d’inanité, de laideur au fin fond de votre être. Lorsqu’il vous regardait, vous saviez à quoi vous en tenir. 

(...)

Les yeux de lord Tywin sont fermés pour jamais, maintenant, songea Cersei. C’est dorénavant mon regard à moi qui va faire flancher tout ce joli monde, et c’est le froncement de mes propres sourcils qu’on va devoir craindre. Moi aussi, je suis un lion.

 (Cersei II, tome 4 A Feast for Crows)

 

  Cersei voudrait se servir explicitement de ses yeux et de son regard comme d'une lance : une arme qui "transperce" (mot du texte original traduit en vf par "capable de voir en vous") et "désarçonne" un adversaire (la traduction respecte bien le mot choisi par GRRMartin, ici). 

 Si la couleur des yeux de Lysa n'est pas évoquée, son regard, lui, l'est constamment dans le chapitre. En fixant Sansa, elle est dans le même registre qu'était le regard de Tywin pour ses enfants : un regard inquisiteur et tueur (et plus spécifiquement un regard d'oiseau, considérant comment les oiseaux dans la saga sont liés à la vue perçante, à l'espionnage, au sens de l'observation, aux murmures et se font tueurs à l'occasion, comme c'est illustré avec l'aigle du sauvageon Orell qui s'attaque à Jon Snow à plusieurs reprises et espionne les mouvements des éclaireurs de la Garde de Nuit pour le compte de Mance Rayder). Un regard capable de voir des vérités cachées et de s'instaurer en juge puis bourreau des âmes. Dans la réalité, cela en dit plus long sur l'écrasement subi par l'entourage familial de Tywin, et sur l'ombre dans laquelle il les maintenait, que sur sa propre clairvoyance, alors qu'il n'a jamais vu ni voulu voir l'inceste entre ses jumeaux, ni imaginé que la haine de son fils Tyrion irait jusqu'au meurtre. Tywin voyait loin, mais pas du tout de près. Il aurait peut-être gagné à être myope !

 

 Cette histoire d'oeil inquisiteur et tueur, on la retrouve ailleurs dans l'arc narratif de Sansa : Ilyn Payne, Justice du roi (le bourreau qui a exécuté Eddard avec Glace et dont la description le rapproche littérairement des Autres) et banneret des Lannister, créature de la reine Cersei dans les premiers tomes :

 

 Contre toute attente, le bourreau ne répondit que par un regard scrutateur et, sous ses yeux pâles, elle eut l'impression qu'il lui arrachait ses vêtements puis l'écorchait, la dénudait jusqu'au fond de l'âme.

(Sansa I, tome 1 A Game of Thrones)

 

 Notons que lord Roose Bolton avec ses yeux pâles couleur de neige sale est comparé explicitement à Tywin (par Jaime, lors de son séjour à Harrenhal dans le tome 3 A Storm of Swords), et lui-même reconnaît Ramsay pour son fils bâtard par ses yeux tout aussi pâles. Les Bolton - anciens adversaires immémoriaux des Stark devenus leurs vassaux avant la trahison de Roose envers le jeune Robb Stark - écorchent pour de vrai (de préférence ceux qui se prétendent des loups) et selon une sentence de Roose rapportée par Ramsay "un homme nu a quelques secrets, un écorché n'en a aucun". Paradoxalement, Ramsay et Theon se serviront de l'écorchement pour faire passer deux enfants pour Bran et Rickon, donc comme d'un masque à leur échec, et l'oeil perspicace de mestre Luwin ne se laissera pas abuser. Pourtant, il se pourrait bien que justement cette "peau de loup" des Stark cache une origine tout autre et un lourd secret, quelque chose comme un crime originel qui n'aurait pas été jugé. 

 

 

~~

 

 

(...)Sansa remonta le tapis de soie bleue que bordaient des rangées de piliers cannelés minces comme des lances. Le sol et les parois de la grande salle étaient revêtus d'un marbre d'une blancheur laiteuse et veiné de bleu. Des fusées de jour livides tombaient des fenêtres étroites en arceau qui ponctuaient le mur est. Entre chaque fenêtre étaient fichées des torches dans de hautes appliques de fer, mais aucune n'était allumée. Le tapis feutrait les pas de Sansa. Le vent, dehors, poussait des hululements solitaires et glacés. 

 Au sein de tous ces marbres blancs, les rayons du soleil eux-mêmes prenaient un air glacial..., mais bien moins glacial que celui de sa tante.

 

 Le décor rappelle la forêt hantée enneigée et glacée, celle qui se situe au-delà du Mur et où sévissent les Autres quand la nuit vient : le marbre d'un blanc laiteux veiné de bleu correspond aux couleurs des Autres lors de leur première apparition sous forme humanoïde, dans le prologue du premier tome. Le froid intense qu'ils portent avec eux a la capacité d'éteindre les feux trop faibles, comme ceux des torches, par exemple; et la forêt se tait et se fige à leur approche. Mais si on oublie les couleurs, les rangées de colonnes peuvent rappeler les rangées des Starks défunts sous forme de statues de pierre, dans les cryptes de Winterfell; s'ils n'ont pas de lances, ils ont des épées et l'air glacial. Nous avions vu dans les précédentes parties de l'analyse comment Winterfell se fondait dans les Eyrié : c'est toujours le cas ici.

 La mise en scène très "cheap", l'absence de lumière, de public, le tapis fait pour étouffer les sons servent à cacher aux yeux du monde les secrets indicibles du monde des morts. Dans le tout premier chapitre de la saga, au-delà du Mur de glace, les Autres tuent Waymar Royce à l'issue d'une danse macabre et les deux seuls témoins mourront sans pouvoir témoigner. Toute trace de Waymar est alors perdue et Benjen Stark parti à sa recherche se volatilisera à son tour. Nous retrouverons un écho de cette frontière entre morts et vivants à travers le récit fait par Jon Snow à Sam de ses rêves de Winterfell, et que j'ai évoqué dans le premier article, en y ajoutant la réflexion que se faisait Sam : "les vivants ne sont pas conviés aux festins des morts". Aux procès non plus, en fait.

 

Mais examinons de plus près le commencement de ce qu'on peut considérer comme une ordalie, un jugement rendu par deux champions ou championnes :  

 

Sansa s’immobilisa au pied de l’estrade et fit une révérence. "Madame. Vous m’avez envoyé chercher." Sous le tapage que faisait la bise se percevaient les accords moelleux que pinçait au fond de la salle Marillion.

"Je vous ai vue faire ", dit lady Lysa.

 

 La traduction évoque la "bise", mais le texte anglais se contente de "vent" ("wind"); d'autre part, toujours dans le texte original, le bruit du vent ne passe pas par-dessus celui de l'instrument de Marillion, mais Sansa perçoit les deux à égalité. Si le vent est associé aux oiseaux et en particulier aux corneilles, il l'est aussi aux Autres, ainsi qu'aux loups Stark (si on a un doute, je prendrai en exemple Vent Gris, le loup de Robb). Ils sont également les vents de l'hiver - d'Hiver ? - et avant tout le langage des "anciens dieux", celui des vervoyants et des barrals. Il est difficile de savoir pour le moment ce que représente ce vent qui souffle à l'extérieur : est-ce une image du loup bâtard séparé de sa princesse même dans la mort (et là, les murs glaciaux blancs et bleus rappellent le Mur ségrégatif) ?

 

Outside, the wind blew cold and lonely.

Le vent, dehors, poussait des hululements solitaires et glacés.

 

Si "ululement" est une liberté prise par le traducteur, on pourrait rapprocher cette "solitude du loup" de la scène des Noces Pourpres, au cours desquelles lord Walder Frey a prononcé une sentence de mort contre Robb Stark, sur fond "musical", alors que Vent Gris était enchaîné à l'extérieur de la grande salle de festin/procès. La Naine de Noblecoeur avait eu la vision de ce loup solitaire hurlant son malheur : 

 

"J'ai rêvé d'un loup qui hurlait sous la pluie, mais personne n'entendait son deuil"

(Arya VIII tome 3, A Storm of Swords)

 

"La jeune fille terrassant un géant féroce dans un château de neige" appartient en outre au même groupe de visions que décrit la naine. D'autre part, une des leçons d'Eddard Stark à Arya - qui lui reviendra en mémoire à plusieurs reprises - est que quand soufflent les vents froids de l'hiver, le loup solitaire meurt mais la meute survit. Cela présuppose que les vents froids et l'hiver ne sont pas le propre du loup mais qu'ils ont une autre origine, bien qu'ils soient à présent intimement et inextricablement liés.

 Dans la scène entre Lysa et Sansa il n'est donc pas possible de certifier que le vent est bien "l'esprit du loup". Sa "solitude" le suggère fortement, mais dans ce royaume des oiseaux, dans ce nid de faucon placé au-dessus du "Ciel", ce vent a tout autant à voir avec nos oiseaux de malheurs. Depuis le remariage de sa mère, par exemple, le jeune Robert fait l'expérience d'une solitude bien plus pesante qu'avant; de même, son infirmité a isolé Bran, mais cette solitude atteint son paroxysme dans la grotte où il développe ses pouvoirs de vervoyant. Par conséquent, le vent qui souffle à l'extérieur pourrait tout autant représenter le vervoyant solitaire qui convoite la princesse (image déjà présente dans ce barral de Fort Nox dont les branches paraissent vouloir saisir la lune), et par conséquent une menace supplémentaire pour Sansa, un redoublement du chant de Marillion, autant qu'un défenseur providentiel. 

 

 En tous les cas, mise d'emblée le nez dans son caca - pardon, les yeux sur ses actes - Sansa lisse sa jupe (comprendre qu'elle se met en garde) et pare le premier coup en s'informant de la santé du jeune Robert Arryn, et en tentant de minimiser sa responsabilité dans la destruction de la poupée; en d'autres termes, elle cherche à noyer le poisson. On se souvient que si au début déchirer la poupée n'était pas volontaire, à la fin, elle a tout de même violemment et gratuitement massacré cette poupée et planté sa tête sur les ruines du château de neige. Sansa n'est donc pas tout à fait honnête, ce coup-ci, et sa tante au regard perçant ne s'y laisse pas prendre. Mais c'est une autre vérité qu'elle attend : 

 

- Vous comptez me duper avec vos mines de sainte-nitouche ? riposta sa tante. Je ne parlais ni de Robert ni de sa poupée. Je vous ai vue l’embrasser."

[Sansa] eut l’impression que le froid devenait un peu plus vif, dans la grande salle. Que tout ce marbre des murs et du dallage, toutes ces colonnes s’étaient métamorphosés en glace. "C’est lui qui m’a embrassée."

 

La métaphore des murs et des colonnes transformées en glace confirme des points que j'ai soulevés précédemment, à savoir que la confrontation entre la jeune et la vieille reine s'inscrit dans la continuation de l'enterrement : elles sont ici à l'intérieur du tombeau de glace ; et Lysa, en donnant l'impression de faire chuter la température, est clairement apparentée aux Autres : elle est la reine-barral qui les utilise comme une épée glacée afin de rendre sa justice (et là, on pense à Glace, l'épée des Stark qui sert notamment à appliquer les sentences de mort). 

 Nous apprenons en même temps que ce qui a provoqué l'ire de Lysa et la convocation solennelle de Sansa, c'est le baiser de Littlefinger, dont l'évocation participe également à la sensation de refroidissement de Sansa : autrement dit, notre princesse s'est rendue au royaume des morts pour y chercher son "loup bâtard", mais au lieu de ça, elle a rencontré l'époux de la reine des Enfers qui lui a donné le baiser de mort. L'extension de la variation sur l'histoire de Blanche-Neige - avec le baiser qui se veut libérateur - mène à une variation sur le mythe d'Orphée cherchant son Eurydice, le rôle d'Orphée étant tenu par Sansa et celui d'Eurydice par le prince imaginaire de ses rêves et tous les personnages qui dans la saga vont l'incarner au moins momentanément, certains comme Sandor Clegane parvenant à sortir des Enfers au prix de la mort du Limier (par parenthèse, lorsque Sansa chante sa petite chanson au Limier lors de la bataille de la Nera, elle est comme Orphée qui par son chant dompte et apaise Cerbère, le chien gardien des Enfers).

 On peut d'ailleurs penser à la phrase récurrente de Daenerys "si je regarde en arrière, je suis perdue" comme à une allusion au mythe d'Orphée, qui ne doit pas se retourner pendant tout le trajet au cours duquel il guide Eurydice hors du monde des morts.

 

 L'accusation de Lysa sonne cependant l'heure de vérité ! Mais pas tant pour Sansa que pour elle-même. 

 

Jon said, "My lord father believed no man could tell a lie in front of a heart tree. The old gods know when men are lying."

(Jon II, tome 2 A Clash of Kings)

 

 Comme "watchers" les barrals ont cette capacité à faire confesser la vérité puisque leurs "yeux" voient la réalité des faits. On découvre ici que le rôle peut s'inverser : Sansa a bien dit la vérité - Littlefinger l'a embrassée - mais elle est si insupportable pour Lysa qu'elle exige alors un mensonge qui soit crédible, un mensonge de la part d'Alayne. 

 

Sansa recula d’un pas. "Ce n’est pas vrai.

- Où vas-tu ? Tu as peur ? Un comportement si dévergondé doit être châtié, mais je me montrerai clémente envers toi. Nous avons un souffre-le-fouet pour Robert, comme cela se pratique dans les cités libres. Il est de santé trop délicate pour essuyer lui-même les corrections. Je trouverai quelque fille du commun pour te suppléer toi-même sous les étrivières, mais, avant, tu dois confesser ton crime. J’ai horreur des menteurs, Alayne."

 

 Paradoxalement, Alayne est bien une menteuse, puisque ce personnage est une fiction, mais pas sur les faits reprochés, car Petyr Baelish a embrassé Sansa Stark, la fille de Catelyn Tully, et non pas Alayne. Et c'est bien Sansa Stark qui comparait devant Lysa, ainsi qu'on l'a vu précédemment et ainsi que notre reine glacée l'admet en convoquant le souvenir de Catelyn.

 Le déni de Lysa la pousse à se confesser elle-même, si bien qu'au lieu d'avoir une accusée face à sa juge, la juge descend à son tour dans l'arène pour y livrer son combat et le basculement a précisément lieu lorsque notre méchante reine se lève de son siège : elle n'est plus le barral qui trône au coeur de son royaume, mais une championne qui affronte une autre championne.

 

- J'étais en train de bâtir un château de neige, répondit Sansa. Lord Petyr m'aidait, et puis il m'a embrassée, tout à coup. Vous n'avez rien vu d'autre.

- N'as-tu pas d'honneur ? lui lança sa tante d'un ton acerbe. Ou me prends-tu pour une idiote ("fool", dans la version originale) ? (...) Je sais tout ce qui se passe aux Eyrié, ma petite dame. Et j'ai aussi rencontré ton espèce avant, figure-toi. Mais tu t'es trompée si tu te figures que tes grands yeux et les sourires de catin te gagneront Petyr. Il est à moi." Elle se leva. "Ils ont tous essayé de me le dérober. Mon seigneur père, mon mari, ta mère..., Catelyn surtout."

 

L'enjeu est Petyr... et le trône. 

Place à nos championnes pour une dernière danse !



04/04/2017
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